Nous sommes tous là, assis sur des vieux matelas… L’endroit est sombre et nos âmes sont plongées dans la pénombre. Au milieu, une goutte d’eau s’écrase chaque seconde dans le petit cendrier qui nous rassemble. Des sachets vides tournoient dans le coin, autour de la seringue d’hier. Et sur les murs, les dessins de nos anciens amis s’effacent ; par le temps et la crasse. On se regarde, on a froid, on a surtout besoin d’un truc : une dose… juste une… la dernière.
Enfin, l’ami sort sa poudre magique! Cracher du fric, encore une fois, mais c’est pas grave ; je donnerais n’importe quoi pour me sortir de cette cave.
Enfermés dans cet univers sordide, nos veines sont avides. Nous sommes tous en excitation. Devant les petites préparations, nos coeurs battent à l’unisson… Il faut encore attendre avant de plonger dans le beau monde… Attendre, attendre, attendre.
Puis quand enfin les aiguilles transpercent nos épidermes, et que la pièce s’emplit d’une douce fumée, nos yeux se ferment… Soudain on n’entend plus la goutte qui s’écrase, mais on a l’étrange et belle illusion d’entendre en nous le bruit paisible de la substance qui se répand.
Le ciel est clair, le béton devient un immense lit de mousse, il fait chaud sur ce petit monde. On est bien.
Malheureusement, on sait que bien qu’il n’a d’égal, ce petit monde est illégal, alors on s’est vraiment juré, juré que ce serait le dernier… un tout dernier voyage, pour oublier le mal qu’on a de vivre, pour libérer l’oiseau en cage, pour faire de ce réel indécis un irréel parfait.
Nos visages sont blêmes et le temps d’un instant semblent s’envoler nos problèmes. Ici il n’y a plus de soucis, on est au paradis !
Mais lorsque Blanche Neige a disparu, les barreaux qui renferment l’oiseau sont encore plus gros : la goutte d’eau résonne à nouveau, le vide dans nos esprits se réinstalle, il est mille fois plus profond… on regarde dehors. le ciel est noir.